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LA RESSOURCERIE CULTURELLE : QUAND LE SPECTACLE SE MET A L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Article Demain-Vendée
Journal papier automne 2019

Installé dans un entrepôt derrière le tri postal de Montaigu, au cœur d’une zone industrielle, le Moulin Créatif, tout jeune Tiers-Lieu culturel, héberge en son sein la Ressourcerie Culturelle.

Cette dernière, inspirée des principes des ressourceries généralistes, lieux de collecte, de valorisation et de réemploi d’objets et matériaux, s’adresse spécifiquement au monde du spectacle, de l’événementiel et de l’audiovisuel. Encore en phase de préfiguration, elle abrite déjà plusieurs tonnes de matériel et de matériaux collectés sur les Pays-de-la-Loire, auprès de structures comme Le Grand T à Nantes, Fuzz’yon à La Roche-sur-Yon ou encore au Hellfest. Enfin le projet se concrétise et les collectes s’enchaînent : décors de théâtre, rideaux noirs et moquettes, kilomètres de câbles, projecteurs et tables de mixage s’accumulent dans un joyeux Tétris géant, qui n’est pas pour déplaire au maître des lieux et fondateur du projet, Damien Forget.

La méthode Damien Forget

En plus d’être un personnage, grand bonhomme à barbe broussailleuse et voix de stentor, Damien Forget en impose aussi par sa méthode, non-brevetée mais radicalement efficace. Le principe est simple : foncer tête baissée, faire jouer son réseau tentaculaire, rentrer dans le lard quand c’est nécessaire. Toujours se nourrir du terrain et être dans l’action. Il se définit comme un « décomplexé de l’administratif » : s’il s’est volontiers prêté au jeu des pitchs, des appels à projets à rallonge et autres « paperasseries » pour la bonne cause, hors de question de faire des manières face à l’ADEME*, à la CRESS**, ou même à la Région. Le bonhomme séduit. Et sa foi inébranlable en son projet emporte tout le monde.

Il faut dire que Damien n’est pas arrivé là par hasard. Enfant du pays, il a tout fait, ou presque : animateur socio-culturel, puis tenancier de bar (Le Noctambule à Montaigu), avant de passer ouvrier agricole, et chausse avec la Ressourcerie Culturelle la casquette d’entrepreneur. Biberonné à l’éduc’ pop’ et à la culture pour tous, il est aussi musicien amateur à ses heures et a présidé pendant quelques années le Collectif Icroacoa, qui rassemble plusieurs associations de musiques actuelles locales. Il tombe dans l’Économie Sociale et Solidaire en participant à l’émergence du Moulin Créatif, Pôle Territorial de Coopération Économique (PTCE) culturel en préfiguration depuis 2016, ouvert à Montaigu depuis avril 2019. Proche de milieux culturels alternatifs, qui (sur)vivent de système D et de récup’, pour lui, l’économie circulaire n’est ni théorique, ni affaire de business, mais une réalité budgétaire et environnementale. Fils d’agriculteurs engagés pour une agriculture paysanne, qui ont œuvré pour les circuits-courts, il croit à la valeur du local. Et s’inspire de l’expérience des CUMA (Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole) pour penser la mutualisation dans le milieu culturel.

Un secteur culturel sensibilisé mais pas force de proposition

En plein développement du Moulin Créatif, Damien Forget sillonne la France avec plusieurs membres du PTCE pour rencontrer d’autres projets de Tiers-Lieux culturels. Au détour d’une virée, ils découvrent la Ressourcerie du Spectacle, née en 2014 et installée à Vitry-sur-Seine : véritable caverne d’Ali Baba qui concentre plus d’une centaine de tonnes de matériel technique d’occasion. Pour Damien, c’est le déclic.

Fin 2017, prenant appui sur l’exemple et l’expérience vitriotes, il pose les fondations du projet montacutain. Le soutien de l’ADEME et de la Région (la Ressourcerie a été lauréate de l’appel à projet sur l’économie circulaire) ouvre la voie à une étude de faisabilité conduite courant 2018 par le bureau parisien Terra, spécialiste de l’économie circulaire. Ce dernier confirme l’intuition et le pré-diagnostic de Damien : il y a du matériel qui dort dans les grandes structures et festivals culturels des Pays de la Loire ; des petites structures du milieu culturel ont besoin de matériel à bas coût ; et les acteurs sont prêts à la mutualisation. Le secteur culturel est loin d’être le plus économe et le plus responsable. Du spectacle vivant à l’événementiel, la consommation de matières premières et de ressources, aussi bien techniques qu’énergétiques est vaste et frise parfois l’aberration. Décors construits à l’occasion d’un spectacle qui tournera un an ou deux avant d’être mis au rebut ; événements qui nécessitent scénographies monumentales et gros matériel mais utilisés seulement 15 jours par an ; matériels techniques et audiovisuels en constante évolution technologique et rapidement dépassés…

Face à ces constats (et aux nécessaires économies budgétaires), le milieu culturel a depuis plusieurs années saisi la nécessité de réfléchir à son impact environnemental, mais il lui manquait un outil pour adopter de meilleures pratiques. Et la Ressourcerie Culturelle fait partie de la solution.

Réemploi et mutualisation : le duo gagnant de l’économie circulaire

La Ressourcerie permet dans un premier temps de collecter et stocker du matériel technique, sons et lumières, mais aussi multimédias et décors. Selon leur état, les objets sont triés, démantelés ou réparés. Dans l’atelier de maintenance au Moulin Créatif, Nicolas Rousseau est en charge de la revalorisation du matériel technique. Électronicien de formation et as de la bidouille, Nicolas jauge au premier coup d’œil le potentiel de chaque élément, le tournevis à la main. L’objectif : allonger la durée d’usage ou donner une seconde vie aux objets. Et quand cela n’est plus possible, en récupérer les pièces réutilisables et conduire le rebut dans une filière de traitement. Les objets réparés sont entrés dans le catalogue de la Ressourcerie et remis en circulation pour être revendus ou loués.

Parallèlement, la Ressourcerie investit le champ de l’économie de la fonctionnalité. Le principe : mutualiser un matériel qui ne sert que ponctuellement, et qui représente souvent des investissements importants. C’est notamment le cas pour le matériel qui sert aux festivals : barnums et tivolis, scènes, et même matériel de restauration collective. Le Dubcamp, déjà reconnu pour son engagement en matière d’engagement environnemental et qui fait office de modèle parmi les festivals écoresponsables, est le premier à s’engager auprès de la Ressourcerie Culturelle pour mutualiser et mettre à la location son matériel.

Si le statut juridique (probablement coopératif) et la filière sont encore à penser et construire dans leur globalité pour assurer la viabilité du projet, la Ressourcerie culturelle peut déjà se féliciter d’avoir initié une belle dynamique en Pays-de-la-Loire, qui tendra à s’étendre à l’échelle nationale avec l’ambition de créer un réseau de Ressourceries du spectacle sur l’ensemble de l’Hexagone.

*Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie

** Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire

Zoé Jarry

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