Article La Scène, automne 2022
Plusieurs associations collectent et recyclent différents matériels prêts à être réemployés par des professions du spectacle vivant.
Nées à l’initiative d’acteurs culturels qui estimaient que trop de matériels partaient à la benne plutôt que de bénéficier à des compagnies, festivals ou structures aux budgets modestes, les ressourceries se sont beaucoup développées ces dernières années au point de générer une véritable activité économique. En 2021, plus de 1500 tonnes de décors, matériaux et équipements ont été collectés avec un taux de réemploi de l’ordre de 90%, et de nouvelles ressourceries voient désormais le jour. << Nous percevons un réel mouvement de fond, qui n’en est toutefois qu’à ses débuts », confirme Stéphanie Mabileau, coordinatrice nationale du Réseau des ressourceries artistiques et culturelles (Ressac), ajoutant que les mentalités doivent encore évoluer par rapport au réemploi et aux opportunités souvent méconnues qu’il offre aux créateurs. Un autre enjeu majeur concerne la sensibilisation à l’éco conception, c’est-à-dire la recherche de scénographies intégrant dès l’origine des matériaux récupérés mais aussi élaborées selon certaines normes permettant ensuite leur réutilisation. Afin de réfléchir aux différentes questions qui traversent leur activité, les ressourceries ont décidé de se fédérer en 2020 au sein du Ressac, qui compte aujourd’hui huit structures. «En mutualisant nos savoir-faire, nous permettons aux ressourceries historiques de progresser et aux porteurs de projets émergents d’être soutenus et conseillés, l’objectif étant de mailler l’ensemble de l’Hexagone», met en avant Yann Domenge, cofondateur d’ArtStock. Dans le même sens, le réseau agit auprès des collectivités territoriales qui souhaitent se doter de ressourceries. <<Nous avons déjà accompagné le Grand Lyon et Cœur d’Essonne pour des études de faisabilité et sommes sollicités par d’autres territoires», rapporte Stéphanie Mabileau, jugeant l’implication des collectivités indispensables pour pallier la principale difficulté à laquelle sont confrontées les ressourceries: le foncier. Ce besoin d’espaces est d’autant plus important que nombre d’entre elles ne se contentent plus de collecter, stocker puis louer ou revendre, mais possèdent des ateliers de construction et accueillent même des artistes en résidence. À moyen ou long terme, elles ambitionnent ainsi de devenir des fabriques artistiques à part entière.
ARTSTOCK
Depuis 2009, ArtStock récupère tout type de matériel et surtout des décors. Elle dispose à Blajan (31) d’un entrepôt de 3000 m2 qui abrite également un atelier loué à des artistes locaux qui peuvent y concevoir leur scénographie, d’une boutique à Saint-Gaudens (31), et s’installera à l’automne en Île-de-France. Cette implantation lui permettra de se rapprocher de ses partenaires historiques (le Châtelet, le Théâtre des Champs-Élysées, Le Vieux-Colombier…), de vendre ou louer à un plus grand nombre de professionnels et de recevoir des artistes en résidence. « Grâce à des salles de répétition, un studio d’enregistrement et un atelier de construction, nous ferons de cet espace de 3000 m2 un lieu de création pour le spectacle vivant», se félicite Yann Domenge, cofondateur d’ArtStock. L’association s’implique par ailleurs dans l’accompagnement RSE des structures et compagnies, en effectuant un diagnostic de leur activité puis en les conseillant dans leur transition écologique, économique et sociale. artstockasso.fr
THÉÂTRE DE L’AQUARIUM
En prenant la tête du Théâtre de l’Aquarium en 2019, la Compagnie la vie brève a souhaité développer un projet articulé autour de quatre axes: une ressourcerie qui s’appuie sur les costumes et décors stockés depuis 30 ans mis pour l’instant à disposition des équipes accueillies en résidence et dont toutes les compagnies devraient bénéficier à compter de l’automne; un atelier d’éco-construction; un Pôle recherche et programmation des publics qui développera des contenus, notamment à l’occasion des deux festivals Bruit; et un Pôle formation. «La mutualisation fait également partie de nos objectifs, la présence de plusieurs théâtres sur le site de La Cartoucherie y étant propice», ajoute Clémentine Boucher, cheffe de projet ressourcerie, qui entend nouer des partenariats avec d’autres lieux franciliens (la MC93, l’Odéon, l’Opéra-Bastille, les ateliers de la Comédie- Française à Sarcelles…) afin de structurer une activité à l’échelle régionale. theatredelaquarium.net
LA RESSOURCERIE DU SPECTACLE
Constatant un réel besoin de collectage de matériel audiovisuel en Île-de-France, La Ressourcerie du spectacle en a fait le cœur de son activité. Elle récupère de la sono, des projecteurs, des ponts lumière ou encore des câblages, revalorisés puis proposés à la vente ou à la location. La location, qui concerne principalement des associations ou des lieux alternatifs, s’accompagne de prestations de montage, exploitation, conseil sur la scénographie et démontage. La vente s’adresse davantage aux salles de spectacles désireuses de s’équiper en matériel de réemploi. «Les tarifs sont 30% moins chers qu’une location normale, et pour la vente, nous nous alignons sur le prix du matériel d’occasion et le baissons de 30% », affiche le coordinateur, Paul Dedieu. Grâce à son atelier de construction, La Ressourcerie peut assurer l’aménagement de certains espaces au sein d’établissements culturels. Elle s’est par ailleurs dotée d’un lieu, le Crapo, qui rassemble une vingtaine d’autres structures travaillant dans la culture ou le réemploi et où elle mène des actions de sensibilisation à l’éco-conception. ressourcerieduspectacle.fr
LA RÉSERVE DES ARTS
Créée en 2008, La Réserve des arts se déploie sur trois sites: une boutique à Paris (14o) dédiée uniquement à la vente, et des entrepôts à Pantin (93) et Marseille (13) où s’opèrent la collecte ainsi que la redistribution de scénographies en tout genre, d’éléments visuels, de matériaux bruts et parfois d’objets. Les tarifs pratiqués sont trois à dix fois moins chers que pour un matériel neuf. L’adhésion à l’association donne accès à l’achat de matériaux et à la location, à Pantin, d’ateliers équipés de machines pour réaliser des prototypes de décors. << Récemment, un décor d’une pièce de théâtre et un autre destiné à un escape game ont été conçus chez nous, et nous sommes de plus en plus consultés pour accompagner des créations qui intègrent le réemploi », explique Charlène Dronne, directrice associée de La Réserve des arts. L’équipe a également ouvert à Marseille quatre ateliers où des artistes sont accueillis gracieusement en résidence. lareservedesarts.org
LA RESSOURCERIE CULTURELLE
La Ressourcerie culturelle collecte auprès des acteurs culturels des Pays de la Loire tout ce qui est voué au rebut et néanmoins réutilisable par des porteurs de projets. «Notre souhait étant de ralentir la consommation, nous préférons proposer une location plutôt qu’un achat, afin d’éviter que nos clients rencontrent ensuite des problèmes de stockage», souligne le coordinateur, Damien Forget. L’association a, en outre, mis en place deux systèmes de mutualisation. Le premier consiste à stocker et entretenir des matériels appartenant à des festivals ou à des compagnies pour les louer à d’autres, et le second à gérer l’achat collectif d’équipements (toilettes sèches, containers de bars…) effectué par plusieurs manifestations, qui peuvent ainsi en disposer quand elles le veulent. En 2023, La Ressourcerie culturelle devrait ouvrir un atelier, afin d’inciter à la construction de décors 100% à base de réemploi. laressourcerieculturelle.com
ARTEX
Artex possède un espace de stockage de 240 m2 où sont entreposés des matières brutes, des décors de spectacles et des accessoires, ainsi qu’une boutique au cœur de Clermont-Ferrand. Nouvelle venue dans le secteur du réemploi (son activité a démarré en janvier dernier), elle envisage d’emménager début 2023 dans un local plus grand pour adosser à la ressourcerie un atelier d’éco- conception. «Nous travaillons déjà avec l’École d’architecture, l’Université et les Beaux-Arts de Clermont-Ferrand, et aimerions que ce nouveau lieu permette aux créateurs d’échanger sur leurs pratiques», confie la cofondatrice d’Artex, Christine Couasnon. Se revendiquant comme une << manufacture créative et culturelle», Artex songe également à aménager des espaces de répétition pour organiser des résidences de création. Plus d’informations sur la page Facebook Artex Clermont-Ferrand.
MARIE-AGNÈS JOUBERT I AUTOMNE 2022 I LA SCÈNE I