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La P’tite Vadrouille à La Ressourcerie Culturelle

La P’tite Vadrouille (épisode 20)

Posons le sac pour mieux écouter et apprécier les mots de Zoé qui nous ouvre les portes de La Ressourcerie Culturelle, un univers incroyable pour qui aime le monde du spectacle ! A droite des projecteurs, à gauche des décors… Mais où sommes-nous exactement ?

Je suis complètement novice en la matière : Qu’est-ce qu’une ressourcerie culturelle ?

Alors une ressourcerie culturelle c’est d’abord une ressourcerie, c’est à dire une structure qui va faire du réemploi et donc donner une seconde vie à des matériels ou des matériaux qui ont déjà eu une première vie. Nous la particularité c’est qu’on est spécialisé sur le secteur culturel. Alors c’est assez vaste au final ! Nous on est essentiellement autour du spectacle vivant. Ca a été vraiment notre point de démarrage. Donc aussi bien la musique, que le théâtre par exemple. Et petit à petit on va vers d’autres vers d’autres secteurs culturels qui vont être par exemple le design, un petit peu, la mode et de plus en plus la muséographie, les expositions, où on va pouvoir récupérer par exemple des expositions temporaires ou du mobilier qui va être dans ce dans ce registre là.

Un mobilier qui n’est pas abîmé ?

Ca dépend, il y a un petit peu tout ! Il y a aussi des matériels qui ont été stockés pendant plusieurs années. C’est vraiment ça le constat de départ à La Ressourcerie Culturelle c’est de dire que dans les structures culturelles, que ce soit dans un théâtre, dans un opéra, il y a beaucoup de de restes de production qui ont été en fait stockés. Au départ temporairement, parce que le spectacle ne tournait plus, puis qui se sont accumulés dans les caves, dans les hangars, sans que ce matériel ne ressorte jamais.

Et donc nous, ça a été vraiment l’idée de dire d’une part, c’est pas logique que ça reste, que ça traîne dans les dans les stocks, parce que c’est inutile. Et en plus il y a d’autres acteurs qui auraient besoin de ces matériaux. On est vraiment à l’heure de la transition écologique, où on se dit les ressources on en fait pas n’importe quoi. Il faut pouvoir être dans une logique de sobriété, les réutiliser. Donc on va sortir tout ça des caves, des greniers, des hangars, et on va essayer de les mettre en valeur. Donc d’être vraiment dans une logique de réemploi, pour que ça trouve une seconde vie.

Sur notre région, il y a que celle de Montaigu?

Oui il y en a une seule en Pays de la Loire. On a vocation a travailler avec tous les acteurs du secteur Pays de la Loire.

On en a pas parlé, quand a été créée cette ressourcerie ?

Le projet de ressourcerie est né en 2018, c’est assez récent. On est avant le covid quand même et ça a eu un impact. En 2018 c’est Damien Forget, qui est le fondateur du projet, qui fait ce premier constat de dire que non, c’est pas possible de laisser autant de matériel inutilisé dans toutes les structures culturelles. Et surtout, lui qui est quelqu’un de très implanté dans le secteur des musiques actuelles depuis longtemps, qui est un militant de la culture, et qui voit qu’il y a plein de petites structures culturelles qui n’ont pas beaucoup de moyens, et à côté on a les grandes structures qui elles ont plein de moyens, et qui sous-utilisent un certain nombre de matériel. Donc voilà, on s’est dit c’est pas possible, on va faire un peu les Robins des bois ! Je schématise, mais l’image est efficace ! Et donc on va réfléchir à comment est-ce qu’on peut créer une économie circulaire à l’échelle du secteur culturel.

Aujourd’hui Zoé vous êtes combien à travailler à La Ressourcerie Culturelle ?

On est six personnes aujourd’hui. Six salariés à temps plein, et on travaille aussi avec deux prestataires réguliers qui vont apporter des compétences supplémentaires :

Une scénographe, Lise Mazeaud, qui vient apporter toute une expertise autour de son métier, de la scénographie, de l’éco-conception, et qui s’est vraiment spécialisée sur des projets à base de réemploi.

Et on travaille aussi avec Gaëlle Pavageau, qui est éducatrice spécialisée, puisqu’on a aussi envie que ce lieu soit un support de ce qu’on appelle la médiation éducative. C’est à dire qu’on puisse à partir de cet outil, pour pouvoir faire des expérimentations, notamment accompagner des jeunes qui sont en décrochage scolaire. Par exemple on travaille avec la mission de lutte contre le décrochage scolaire, ou d’autres structures sociales pour essayer de remobiliser des jeunes ou autres.

Moi ce que je trouve de très intéressant et de très riche en fait, c’est qu’on a compris le projet d’origine en 2018, et finalement en très peu d’années ce projet il évolue, se spécialise sur différents domaines. Parce que j’imagine que sur les six personnes qui travaillent ici à la ressourcerie vous avez chacun votre casquette.

Oui c’est ça ! Aujourd’hui donc on a deux personnes qui sont sur le volet logistique. Donc c’est vraiment les les maitres des lieux ici ! Ils vont être sur tout ce qui est préparation de commandes, sur toute la partie vente. On a Mylène qui est notre chargée de communication et commercialisation, qui va mettre en valeur tout ce qu’on fait ici. Parce que l’idée c’est vraiment que le matériel il puisse ressortir. Donc c’est aussi comment est-ce qu’on en parle, comment est-ce qu’on met en valeur pour qu’il puisse ressortir. Il y a Timothée qui est chargé d’administration parce que ça devient quand même une grosse machine avec beaucoup d’administration derrière. Moi je fais du développement. Ce qu’on appelle du développement, l’idée c’est d’aller rechercher des nouveaux partenariats, de nouvelles actions, de nouveaux axes de développement justement.

Parle nous de ton quotidien. Parce que là, moi ça me questionne ! C’est très très très dense !

Moi je suis une spécialisée sur sur un pôle qui s’appelle “la mutualisation”. L’idée c’est de voir comment est-ce qu’on peut mettre des acteurs en commun pour mettre en partage du matériel. Donc ça peut être ce type de matériel, plutôt événementiel, qui va être partagé entre diverses structures pour de l’événementiel de type festival ou sur des salons ou autres. Moi je vais travailler sur cet aspect là : comment est-ce qu’on crée des outils pour mettre en partage. Parce que ça pose après plein de questions sur l’assurance, sur le prix etc. Donc j’essaie de travailler sur ces réflexions là. On a aussi un autre type de projet qui est plutôt sur des investissements groupés, où on va avoir des festivals qui, ensemble, vont investir dans un matériel qu’ils n’auraient jamais pu acheter tout seul. Quand on est sur des festivals d’assez grande taille, ça demande aussi des investissements particuliers. Donc là, l’idée ça va être de partager des équipements puisque, par nature, l’événementiel est éphémère. C’est à dire qu’un festival ça dure 5 à 10 jours et après on plie boutique, et à l’année prochaine ! Donc là l’idée c’est comment est-ce qu’on peut, pour un équipement, tout simplement avoir plusieurs plusieurs usagers, plusieurs utilisateurs, sur toute l’année.

Mais en fait c’est une démarche qui est pleine de bon sens !

C’est vraiment à un moment où on voit que de toute façon qu’il va falloir qu’on fasse attention à nos ressources, parqu’elles sont limitées par définition. Cest vraiment comment est-ce qu’on fait pour éviter que chacun, dans un dans un rayon de 100 km à la ronde, ait sa grosse machine. Nous on va plutôt réfléchir à comment on partage l’usage. Et pour la petite anecdote, ce principe de mutualisation, il a été inspiré par le principe des CUMA. Les coopératives de matériel agricoles. Des structures très anciennes et qu’on connaît très bien en milieu rural. Donc c’est exactement le même principe : on rassemble, on fait un groupe de gens qui ont les mêmes besoins, et on va investir en commun. Comme d’autres investissent dans un tracteur ou une machine moissonneuse-batteuse. Nous on va investir dans des gros barnums, des structures, des fontaines à eau, des toilettes sèches. Voilà pour les festivals, ça irrigue vraiment tous les acteurs du territoire.

Est-ce que vous avez ici à La Ressourcerie Culturelle un espace de réparation ou de création ?

On a deux espaces : on a un espace de réparation, plutôt pour le son et lumière, puisque ça fait partie des premiers ateliers qui ont été mis en place à la ressourcerie. En fait on récupérait beaucoup de matériels sont et lumière, des projecteurs, des systèmes de sonorisation, des enceintes… C’est des matériels qui parfois n’étaient plus en état de fonctionner. Donc on a eu Nicolas Rousseau qui pendant plusieurs années qui a été l’électrotechnicien-valoriste. Donc il fallait vraiment bidouiller pour remettre en état les matériels.

Puis on a un deuxième espace, qui est un atelier de construction. L’idée c’est vraiment de pouvoir accueillir les scénographes sur place. Ici ils vont pouvoir trouver à disposition le matériel et les matériaux dont ils peuvent dont ils peuvent avoir besoin. C’est vraiment là un vrai atout de pouvoir construire avec la matière juste à côté. Nous on les accompagne dans ce travail de sourcing. C’est à dire d’aller repérer par exemple des structures métalliques, et de se poser la question avec eux “ ok à partir de cette structure, de cet arche, qu’est-ce que vous allez pouvoir en faire ? ”. Forcément pour eux, c’est d’autres réflexes aussi. Le réflexe réemploi c’est pas si simple. Il faut peut-être dés-apprendre ce qu’on a appris à l’école, pour se dire “ok, comment est-ce que je fais avec des structures qui sont déjà existantes, avec une arche métallique ? Comment est-ce que je la transforme ? Comment est-ce que je m’en empare pour l’amener ailleurs ? ”

L’atelier c’est un super espace !

Les scénographes peuvent venir louer l’atelier pendant une semaine, quinze jours, pour monter leur scénographie. Ce qui est super, c’est qu’on a vraiment de la place, de la hauteur. C’est ce que recherchent les scénographes.

Est-ce que ça ça marche de plus en plus ? Est-ce que vous sentez que la mayonnaise prend ?

Complètement. Souvent les scénographes quand ils sont, soit avec des compagnies, soit indépendants, ils n’ont pas leur propre espace de travail la plupart du temps. Avoir ce genre d’espace là, c’est pas c’est pas si simple et puis il faut pouvoir l’entretenir etc. Donc voilà, l’idée c’est vraiment d’être un espace dont on peut s’emparer, et qui est totalement modulable. On a tous les établis qui peuvent se bouger. On a de la quincaillerie on a des outils. Il n’y a plus qu’à mettre les pieds sous la table quasiment !

Les gens peuvent venir bricoler ici, et puis c’est aussi un espace où on a nos ateliers du réemploi. Tous les vendredis matin, on a des ateliers avec Gaëlle, qui est notre éducatrice spécialisée. Il y a des chantiers participatifs qui sont ouverts aux jeunes, qui sont ouverts aux seniors, ça fait des moments assez intergénérationnels et c’est ça qui est chouette ! Il y a plein de gens qui aiment bien bricoler, mais qui ne savent pas trop comment s’y prendre. Nous on leur propose de venir bricoler, sur soit sur des objets particuliers, soit sur de la réparation, de la remise en état, selon les besoins. Si nous on a un gros chantier par exemple, ça peut être de venir donner un petit coup de main bénévolement. Donc voilà c’est voilà, c’est ça, c’est aussi de voir comment est-ce que autour de ce lieu gravite des énergies bénévoles. Ca nous intéresse pas mal !

Au-delà de tout ça, ça permet toi aussi de sensibiliser les gens à ce projet de ressourcerie culturelle

Complétement ! Ce qui est intéressant, c’est qu’ils voient les coulisses du secteur culturel. Parce qu’en fait, c’est pas si souvent qu’on peut voir comment se construit un décor, le matériel son et lumière etc. Et puis c’est de mettre un petit pied dans ce grand grand projet !

Et toi justement Zoé, comment tu es arrivée à ce projet ? T’es issue du monde du spectacle ou pas du tout ?

Moi je viens vraiment de la production de spectacle, j’ai beaucoup travaillé avec des compagnies, sur des festivals sur le grand ouest et la Nouvelle Aquitaine. Puis j’ai rencontré Damien, qui est le porteur de projet. J’étais assez sensibilisée aussi aux questions écologiques. En travaillant avec les structures, tu vois aussi les incohérences ou les absurdités du système de production de spectacles. J’ai l’impression que la crise du covid a aussi mis en lumière tous ces questionnements là de “on produit beaucoup dans le secteur culturel” ou “on fait des événements qui sont tellement gigantesque, on détériore les endroits où on se met”, ou “c’est très énergivore” etc. Donc voilà ça a été les premiers pas pour se dire : comment est-ce qu’on peut participer tout simplement à rendre un secteur culturel plus responsable ? Je suis assez fière de tous les chantiers qu’on a fait cette année. Notamment on a participé au démantèlement de Transfert qui est un gros événement sur Nantes. C’était une friche artistique qui arrivait au bout de son exploitation. Ils se sont retrouvés avec un site gigantesque, où il y avait plein de bâtis, plein de matériels etc. Ils nous ont sollicité pour penser avec eux la déconstruction et le démantèlement de leur site. C’est hyper important parce que demain on pensera à la fin des projets au moment de les concevoir. C’est ça qu’il faut, parce que sinon on met des petits faux pas, des petites erreurs. Quand on parle d’éco-conception c’est vraiment ça, c’est à dire on pense la fin de vie d’un projet, la fin de vie d’un équipement, d’un décor, au moment de sa conception. C’est ça nous permet de réfléchir à comment on va pouvoir le réemployer plus facilement. C’est à dire privilégier les vis au clous. Ca paraît anodin, mais une vis on peut l’enlever facilement sans détériorer la matière, alors qu’un clou, pour leur sortir ben en général on va abîmer la planche.

Ca fait trois ans que tu es là aujourd’hui, est-ce que tu sens que le mouvement prend davantage, qu’il se développe, qu’il peut essaimer ?

C’est plutôt en train de grandir. On a un réseau de ressourceriees de plus en plus dense au niveau national. Ca veut dire que maintenant dans quasiment chaque région on a une ressourcerie culturelle en capacité de traiter les flux de son territoire. L’idée bien sûr, ça n’est pas que nous on absorbe des flux qui viennent de Paris ou qui vont à Marseille. Ca n’a pas de sens, on reste dans une logique aussi territoriale, sinon on créerait de la pollution ou ça créerait d’autres impacts de renvoyer les choses ou de les faire venir de très loin. Vraiment l’idée c’est comment est-ce qu’on crée un écosystème à l’échelle d’une région qui est géographiquement intéressante et pertinente.

Merci beaucoup Zoé, on se rappellera quand même de cette ressourcerie culturelle ça c’est sûr ! Et on essaiera de sensibiliser les gens en tout cas à votre démarche

Avec plaisir à bientôt et bonne route à vous !

Marion Blanchet de « La Petite Vadrouille” sur TV Vendée (Episode 20 du 04/08/2023)

LES RESSOURCERIES CULTURELLES : DU VERTUEUX DANS LA CRÉATION

La Ressourcerie Culturelle, installée à Montaigu, collecte et revalorise tout le matériel mis au rebut ou oublié par les structures culturelles des Pays de la Loire. Mais plus qu’un simple lieu de stockage, de location et de revente, c’est aussi un laboratoire de réflexion pour penser autrement le spectacle et l’évènementiel afin que les générations de demain acquièrent le réflexe de créer de manière plus vertueuse.

Entretien avec Zoé Jarry, chargée de production, de mutualisation et de développement à la Ressourcerie Culturelle.

À droite, des praticables, du mobilier 70’s, des décors de théâtre. À gauche, des transats, des rails d’éclairage, des rideaux de scène. Pousser les portes de la Ressourcerie Culturelle c’est entrer dans la caverne d’Ali Baba. « Tout ce que les théâtres, les salles de concerts, les zéniths, les cités des congrès, les lieux d’exposition, les musées, les châteaux de la région possèdent et ne souhaitent plus, est stocké ici. Tout est rangé et référencé. » explique Zoé. Mais comment la Ressourcerie sait qu’une structure souhaite se délester d’une partie de son matériel ? « D’abord le bouche-à-oreille. Ensuite nous faisons pas mal de prospection pour nous faire connaître et proposer nos services. Et l’automatisme de faire appel à nous commence à faire son petit bonhomme de chemin. L’Historial de la Vendée aux Lucs sur Boulogne, par exemple, nous a contacté récemment lors du décrochage de l’exposition Sur la piste d’Osiris et les premiers pharaons. Nos clients y trouvent un intérêt de place, de temps et d’argent. »

L’idée

Créée en 2019 à l’initiative de Damien Forget et grâce notamment à l’appui du Moulin Créatif, tiers-lieu artistique et culturel accompagnateur de projets, la Ressourcerie Culturelle, qui emploie aujourd’hui six personnes, est née d’un constat simple. Le milieu du spectacle, et de la culture élargie, est très (trop) « gourmand », pas assez avancé sur la question de la transition écologique et regorge de matériel inutilisé parce qu’obsolète et/ou remplaçable. « Pendant longtemps, explique Zoé, il y a eu deux alternatives : soit stocker dans des sous-sols, des caves ou des arrière-cours au risque que le matériel prenne la poussière, moisisse et s’abime ; soit jeter directement en déchetterie. Aujourd’hui, la Ressourcerie propose une troisième alternative. Récupérer et réutiliser. Pour l’anecdote, on a repris du mobilier d’évènementiel qui dormait dans des caisses en bois depuis au moins 20 ans ! ». L’idée d’une ressourcerie n’est pas nouvelle. C’est d’ailleurs en s’inspirant des premières comme ArtStock installée près de Toulouse ou La Ressourcerie du Spectacle à Vitry que Damien a l’idée d’en établir une à Montaigu. Elle vit à 70 % de son activité circulaire et bénéficie également d’aides de l’ADEME (L’Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie), de La Région et d’appels à projets plus spécifiques avec notamment Le Ministère de la Culture. Aujourd’hui, il existe plusieurs ressourceries sur tout le territoire français qui ont à la fois un pied dans l’environnement et un pied dans la culture. Sept d’entre elles sont organisées en réseau national appelé RESSAC dont fait partie celle de Montaigu. « Ici on stocke, on répare et on réinjecte dans le circuit soit par la location soit par la vente. Mais notre réflexion va au-delà de cela. On mutualise également à l’instar des CUMA (Coopérative d’Utilisation de Matériaux Agricoles). C’est notamment le cas avec certains festivals. » explique Zoé.

La mutualisation

Elle nous emmène voir des containers « rangés » à quelques encablures des décors du film Aladin. « À l’intérieur de ces containers, tu as un bar ou une billetterie équipés d’un comptoir, d’un frigo, d’un ballon d’eau chaude… Ils servent à plusieurs festivals de musique comme Les Z’Eclectiques dans le Maine et Loire, Le Dub Camp en Loire Atlantique, Le V and B et Les Trois Eléphants en Mayenne ou Le Be Bop en Sarthe ». Au lieu que chaque festival achète dans son coin pour une utilisation de quelques semaines dans l’année, ces containers ont été achetés en commun. Un an et demi de travail, de l’idée à la mise en place l’été dernier, en passant par l’enquête approfondie auprès des festivals intéressés afin de répertorier leurs moyens et leurs besoins, le montage financier basé sur un co-investissement et la recherche d’autres sources de financements, la réalisation des containers avec l’aide d’un scénographe, cette mutualisation des moyens s’est avérée au final beaucoup plus vertueuse et rentable. Stockés à la Ressourcerie Culturelle, les containers circulent aujourd’hui d’un festival à l’autre. D’autres structures peuvent également les louer. « Dans ce cas précis, on a été un support de réflexion, de coordination et de logistique, ajoute Zoé. On est allé jusqu’à demander aux acteurs intéressés s’ils étaient prêts à changer leurs habitudes pour une meilleure utilisation du matériel. Et ils ont dit oui, voyant leur intérêt dans ce nouveau modèle économique. On a envie d’être un levier, de partager notre expertise et nos expériences pour penser, imaginer, créer autrement dans le milieu culturel. »

Penser la création et la culture autrement

« On est dans un moment où celui-ci s’interroge vraiment sur son impact environnemental et son modèle économique » nous explique Zoé. « Il y a dans certains secteurs une remise en question complète du modèle existant. Mais c’est un travail de fond colossal. Le secteur du cinéma, par exemple, est extrêmement énergivore entre les équipes mobilisées, les déplacements, la création des décors… Réduire son impact carbone c’est déjà très bien mais ce n’est pas assez. Il faut aller au-delà de la simple théorie et proposer des solutions concrètes. C’est là où une ressourcerie telle que la nôtre a son intérêt. »

Comment alors ? « En changeant de paradigmes. En renversant les façons de produire. On récupère beaucoup de matériel qui n’a pas été pensé pour être démonté et réutilisé. Les scénographes doivent avoir en tête la fin de vie du produit dès le premier coup de crayon. Aujourd’hui, quand on construit une éolienne, on sait comment elle sera démontée et réutilisée. C’est dans le cahier des charges. Pourquoi ne pas faire la même chose pour les décors ? » D’ailleurs, la Ressourcerie Culturelle met à disposition des scénographes un véritable atelier. Ils peuvent venir à Montaigu en résidence. Ils ont accès à tout le stock et aux outils et peuvent créer leur scénographie à partir des matériaux existants. La Ressourcerie devient alors un vrai lieu de source, de ressources, d’expertise et de réemploi.

L’exemple vertueux du château d’Oudun

Nous demandons à Zoé un exemple précis de réutilisation vertueuse. Elle nous parle du château médiéval d’Oudun situé en Loire-Atlantique. « Il y a quelques temps, nous avons été contactés par les propriétaires du château. Ils souhaitaient se séparer d’une exposition qui existait depuis 20 ans. Un énorme chantier de démantèlement et de récupération avec une problématique supplémentaire : le château est classé monument historique. On ne peut donc pas faire n’importe quoi. C’était d’ailleurs la première fois que la Ressourcerie Culturelle travaillait avec des acteurs du patrimoine. On a mis en place un protocole précis pour respecter le lieu. On a désossé toute l’exposition, des murs en passant par les parquets, les projecteurs etc. On a tout ramené à Montaigu. On a organisé des chantiers participatifs pour nettoyer la matière en enlevant les colles, les clous, en nettoyant les bois et j’en passe. Dans la foulée, on savait qu’un acteur culturel basé à Angers souhaitait créer des décors pour un évènement à venir. La nouvelle scénographie pour Angers a été faite à 90% de matériaux réemployés dont 80% à partir de l’exposition du château d’Oudun. Elle est aujourd’hui stockée chez nous et prête à être de nouveau utilisée. Du circulaire et du vertueux ! »

Il existe encore quelques résistances face à ce nouveau modèle économique, notamment parmi les plus anciens habitués à une certaine façon de faire. « C’est un peu compliqué de leur faire comprendre qu’il vaut mieux utiliser des vis que des clous parce que plus pratiques à enlever lors d’un potentiel démontage. Mais je pense que la hausse des prix des matières premières va certainement changer un peu la donne. Et de facto la Ressourcerie Culturelle, par sa mission de récupération et de mutualisation peut devenir une vraie réponse et solution économique et éthique aux besoins des structures culturelles actuelles » ajoute Zoé.

Dernier gros chantier en date : le démantèlement de la friche culturelle et éphémère de Transfert à Rezé. Sur place, une vraie base de vie faite de containers à démanteler, de matériel technique à récupérer, de nettoyage, de grattage avec pour objectif le réemploi de tout le matériel existant à hauteur de 80 à 90 %.

Avant de partir définitivement de cette caverne d’Ali Baba, Zoé nous souffle : « notre vocation n’est pas de durer. Tout ce qu’on souhaite c’est de ne plus exister et le plus vite possible. À terme, cela voudra dire que le secteur culturel aura su se réinventer autour de la notion de recyclage. On pourra dire alors que nous sommes morts de notre belle mort ! Mais d’ici là, il faut qu’on fasse en sorte que nos clients pensent à nous avant d’aller chez Leroy Merlin ou Brico Dépôt ! »

Contact:

laressourcerieculturelle.com

ADÈLE FUGÈRE I MAGAZINE QUAI M  Lien vers l’article

LES RESSOURCERIES CULTURELLES

Article La Scène, automne 2022

Plusieurs associations collectent et recyclent différents matériels prêts à être réemployés par des professions du spectacle vivant.

Nées à l’initiative d’acteurs culturels qui estimaient que trop de matériels partaient à la benne plutôt que de bénéficier à des compagnies, festivals ou structures aux budgets modestes, les ressourceries se sont beaucoup développées ces dernières années au point de générer une véritable activité économique. En 2021, plus de 1500 tonnes de décors, matériaux et équipements ont été collectés avec un taux de réemploi de l’ordre de 90%, et de nouvelles ressourceries voient désormais le jour. << Nous percevons un réel mouvement de fond, qui n’en est toutefois qu’à ses débuts », confirme Stéphanie Mabileau, coordinatrice nationale du Réseau des ressourceries artistiques et culturelles (Ressac), ajoutant que les mentalités doivent encore évoluer par rapport au réemploi et aux opportunités souvent méconnues qu’il offre aux créateurs. Un autre enjeu majeur concerne la sensibilisation à l’éco conception, c’est-à-dire la recherche de scénographies intégrant dès l’origine des matériaux récupérés mais aussi élaborées selon certaines normes permettant ensuite leur réutilisation. Afin de réfléchir aux différentes questions qui traversent leur activité, les ressourceries ont décidé de se fédérer en 2020 au sein du Ressac, qui compte aujourd’hui huit structures. «En mutualisant nos savoir-faire, nous permettons aux ressourceries historiques de progresser et aux porteurs de projets émergents d’être soutenus et conseillés, l’objectif étant de mailler l’ensemble de l’Hexagone», met en avant Yann Domenge, cofondateur d’ArtStock. Dans le même sens, le réseau agit auprès des collectivités territoriales qui souhaitent se doter de ressourceries. <<Nous avons déjà accompagné le Grand Lyon et Cœur d’Essonne pour des études de faisabilité et sommes sollicités par d’autres territoires», rapporte Stéphanie Mabileau, jugeant l’implication des collectivités indispensables pour pallier la principale difficulté à laquelle sont confrontées les ressourceries: le foncier. Ce besoin d’espaces est d’autant plus important que nombre d’entre elles ne se contentent plus de collecter, stocker puis louer ou revendre, mais possèdent des ateliers de construction et accueillent même des artistes en résidence. À moyen ou long terme, elles ambitionnent ainsi de devenir des fabriques artistiques à part entière.

ARTSTOCK 

Depuis 2009, ArtStock récupère tout type de matériel et surtout des décors. Elle dispose à Blajan (31) d’un entrepôt de 3000 m2 qui abrite également un atelier loué à des artistes locaux qui peuvent y concevoir leur scénographie, d’une boutique à Saint-Gaudens (31), et s’installera à l’automne en Île-de-France. Cette implantation lui permettra de se rapprocher de ses partenaires historiques (le Châtelet, le Théâtre des Champs-Élysées, Le Vieux-Colombier…), de vendre ou louer à un plus grand nombre de professionnels et de recevoir des artistes en résidence. « Grâce à des salles de répétition, un studio d’enregistrement et un atelier de construction, nous ferons de cet espace de 3000 m2 un lieu de création pour le spectacle vivant», se félicite Yann Domenge, cofondateur d’ArtStock. L’association s’implique par ailleurs dans l’accompagnement RSE des structures et compagnies, en effectuant un diagnostic de leur activité puis en les conseillant dans leur transition écologique, économique et sociale. artstockasso.fr 

THÉÂTRE DE L’AQUARIUM

En prenant la tête du Théâtre de l’Aquarium en 2019, la Compagnie la vie brève a souhaité développer un projet articulé autour de quatre axes: une ressourcerie qui s’appuie sur les costumes et décors stockés depuis 30 ans mis pour l’instant à disposition des équipes accueillies en résidence et dont toutes les compagnies devraient bénéficier à compter de l’automne; un atelier d’éco-construction; un Pôle recherche et programmation des publics qui développera des contenus, notamment à l’occasion des deux festivals Bruit; et un Pôle formation. «La mutualisation fait également partie de nos objectifs, la présence de plusieurs théâtres sur le site de La Cartoucherie y étant propice», ajoute Clémentine Boucher, cheffe de projet ressourcerie, qui entend nouer des partenariats avec d’autres lieux franciliens (la MC93, l’Odéon, l’Opéra-Bastille, les ateliers de la Comédie- Française à Sarcelles…) afin de structurer une activité à l’échelle régionale. theatredelaquarium.net 

LA RESSOURCERIE DU SPECTACLE 

Constatant un réel besoin de collectage de matériel audiovisuel en Île-de-France, La Ressourcerie du spectacle en a fait le cœur de son activité. Elle récupère de la sono, des projecteurs, des ponts lumière ou encore des câblages, revalorisés puis proposés à la vente ou à la location. La location, qui concerne principalement des associations ou des lieux alternatifs, s’accompagne de prestations de montage, exploitation, conseil sur la scénographie et démontage. La vente s’adresse davantage aux salles de spectacles désireuses de s’équiper en matériel de réemploi. «Les tarifs sont 30% moins chers qu’une location normale, et pour la vente, nous nous alignons sur le prix du matériel d’occasion et le baissons de 30% », affiche le coordinateur, Paul Dedieu. Grâce à son atelier de construction, La Ressourcerie peut assurer l’aménagement de certains espaces au sein d’établissements culturels. Elle s’est par ailleurs dotée d’un lieu, le Crapo, qui rassemble une vingtaine d’autres structures travaillant dans la culture ou le réemploi et où elle mène des actions de sensibilisation à l’éco-conception. ressourcerieduspectacle.fr 

LA RÉSERVE DES ARTS

Créée en 2008, La Réserve des arts se déploie sur trois sites: une boutique à Paris (14o) dédiée uniquement à la vente, et des entrepôts à Pantin (93) et Marseille (13) où s’opèrent la collecte ainsi que la redistribution de scénographies en tout genre, d’éléments visuels, de matériaux bruts et parfois d’objets. Les tarifs pratiqués sont trois à dix fois moins chers que pour un matériel neuf. L’adhésion à l’association donne accès à l’achat de matériaux et à la location, à Pantin, d’ateliers équipés de machines pour réaliser des prototypes de décors. << Récemment, un décor d’une pièce de théâtre et un autre destiné à un escape game ont été conçus chez nous, et nous sommes de plus en plus consultés pour accompagner des créations qui intègrent le réemploi », explique Charlène Dronne, directrice associée de La Réserve des arts. L’équipe a également ouvert à Marseille quatre ateliers où des artistes sont accueillis gracieusement en résidence. lareservedesarts.org 

LA RESSOURCERIE CULTURELLE 

La Ressourcerie culturelle collecte auprès des acteurs culturels des Pays de la Loire tout ce qui est voué au rebut et néanmoins réutilisable par des porteurs de projets. «Notre souhait étant de ralentir la consommation, nous préférons proposer une location plutôt qu’un achat, afin d’éviter que nos clients rencontrent ensuite des problèmes de stockage», souligne le coordinateur, Damien Forget. L’association a, en outre, mis en place deux systèmes de mutualisation. Le premier consiste à stocker et entretenir des matériels appartenant à des festivals ou à des compagnies pour les louer à d’autres, et le second à gérer l’achat collectif d’équipements (toilettes sèches, containers de bars…) effectué par plusieurs manifestations, qui peuvent ainsi en disposer quand elles le veulent. En 2023, La Ressourcerie culturelle devrait ouvrir un atelier, afin d’inciter à la construction de décors 100% à base de réemploi. laressourcerieculturelle.com 

ARTEX

Artex possède un espace de stockage de 240 m2 où sont entreposés des matières brutes, des décors de spectacles et des accessoires, ainsi qu’une boutique au cœur de Clermont-Ferrand. Nouvelle venue dans le secteur du réemploi (son activité a démarré en janvier dernier), elle envisage d’emménager début 2023 dans un local plus grand pour adosser à la ressourcerie un atelier d’éco- conception. «Nous travaillons déjà avec l’École d’architecture, l’Université et les Beaux-Arts de Clermont-Ferrand, et aimerions que ce nouveau lieu permette aux créateurs d’échanger sur leurs pratiques», confie la cofondatrice d’Artex, Christine Couasnon. Se revendiquant comme une << manufacture créative et culturelle», Artex songe également à aménager des espaces de répétition pour organiser des résidences de création. Plus d’informations sur la page Facebook Artex Clermont-Ferrand. 

MARIE-AGNÈS JOUBERT I AUTOMNE 2022 I LA SCÈNE I  

A BLAJAN, COUP DE THÉÂTRE DANS LE RECYCLAGE DES DÉCORS

Article Télérama 29/10/2021

Rideaux, châssis, meubles… Depuis 2009, l’association ArtStocK collecte des tonnes de matériaux issus du spectacle vivant, et leur offre une seconde vie dans sa recyclerie de Haute-Garonne. Sur le même modèle, d’autres lieux essaiment ailleurs en France. Il faut se perdre un instant, hésiter, faire demi-tour sur un sentier caillouteux et rebrousser chemin avant d’apercevoir, une heure vingt après avoir quitté Toulouse, l’imposante tuilerie à la façade ocre qui abrite depuis 2015 l’association ArtStocK.

Dans sa tuilerie de Blajan (Haute-Garonne), l’association ArtStocK redonne vie à des éléments de décor issus du spectacle vivant.
Une chaussure géante accueille le visiteur. Au sol, des cubes de polystyrène, des planches, palettes, tasseaux de bois sont empilés. Non loin, des morceaux de géotextile ont été regroupés – utilisé dans le BTP, ce matériau est aujourd’hui très prisé pour le jardinage ou l’aménagement paysager. « Dehors ou dedans, tout ce qui se trouve ici était destiné à la poubelle », prévient Yann Domenge, l’initiateur du projet.

L’auteur et metteur en scène Yann Domenge a fondé ArtStocK en 2009, et l’a installée en juillet 2015 à Blajan, sur le site d’une tuilerie fermée.

Ici ? À Blajan (Haute-Garonne), une petite équipe redonne vie à des éléments de décor qu’elle collecte auprès de partenaires historiques comme les théâtres parisiens du Vieux-Colombier, celui des Champs-Élysées, ou plus récemment le Châtelet et quelques musées. Qu’elle stocke, loue ou réutilise, entiers ou en pièces détachées, ne gardant parfois que la matière première. Même Louis Vuitton s’y est mis, quand l’industrie de la mode, hautement polluante, traîne encore les pieds.

Ainsi, depuis la signature d’un partenariat en 2017, ArtStocK récupère en quelques heures les 100 à 300 tonnes de déchets produits lors de son défilé de prêt-à-porter féminin, qui a lieu deux fois par an dans la Cour carrée du Louvre. Ces tuyaux de plastique vert, bleu ou rouge vif ? Ils ont servi au styliste Nicolas Ghesquière –directeur artistique des collections femme –, qui avait reconstitué pour son défilé2019/2020 l’emblématique façade du Centre Pompidou… À Blajan, ils ont été transformés en obstacles pour chevaux ou en abreuvoirs pour les bêtes. Un budget «réemploi » plutôt que « benne », qui coûte un peu plus cher à la maison de haute couture, mais n’a pas de prix en ce qui concerne l’image.

Une recyclerie de 3000 mètres carrés

À l’intérieur, on déambule au milieu de guirlandes et panneaux lumineux, de bancs et banquettes, on croise des mannequins et des statues, des masques et bibelots, on détaille les bijoux et les breloques, et même des bobines de fil intactes, sauvées de la poubelle. Rangés sur cintres, des costumes et accessoires côtoient par centaines un rideau massif en velours bleu, d’environ 15 mètres de large pour 8 de haut, vendu ici entre 5 et 7 euros le mètre.
« Le scénographe d’un grand théâtre parisien n’en voulait pas car le bleu ne correspondait pas exactement à ce qu’il cherchait », raille Alain Journet, véritable mémoire des lieux.
Même profusion au plafond, où trône un éléphant en mousse, et sur les murs : la gigantesque reproduction du panneau central du Jardin des délices, triptyque peint par Jérôme Bosch en 1504, a servi jadis de fond de scène au Théâtre des Champs-Élysées. Une salariée passe en trottinette : plus pratique pour traverser la recyclerie,qui s’étale sur presque 3 000 mètres carrés.
Les déchets issus de spectacles ou de tournées sont réutilisés par des agriculteurs voisins, l’employée d’une médiathèque, des brocanteurs professionnels, ou d’autres scénographes.

Outré par les montagnes de déchets qui ponctuent un spectacle ou une tournée,l’auteur et metteur en scène Yann Domenge s’est engagé dès 2009 dans leur réemploi. Après une première implantation ratée en Seine-et-Marne, il réinstalle l’association à Blajan, sur le site d’une tuilerie fermée en 2013. En pleine campagne,elle a d’abord été accueillie un peu fraîchement (« les bobos activistes qui débarquent de Paris ! ») avant que tout le monde y trouve son compte : des agriculteurs voisins se fournissent en ferraille pour fabriquer abris ou abreuvoirs, l’employée d’une médiathèque proche lorgne sur un arbre géant pour animer des ateliers, et des professionnels avisés débarquent même de l’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), paradis des brocanteurs, pour dégoter tabourets, fauteuils ou tables basses vintage. Le chiffre d’affaires d’ArtStocK (entre 300 000 et 400 000 euros par an) provient de la collecte de déchets, et de la vente en direct. Et en douze ans, 6 200 tonnes de déchets ont été récupérées, dont seulement 1,03 % finit à la poubelle.

La scénographie se recycle

Dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel, les tournages « propres » et le respect de bonnes pratiques se généralisent. Dans le spectacle vivant, le réemploi des décors est loin d’être acquis. « Beaucoup de scénographes refusent que leurs créations soient démantelées, ou qu’elles puissent renaître sous d’autres formes,préférant qu’elles soient détruites », observe Yann Domenge. Les directeurs de lieux y sont aussi pour beaucoup. Si les plus jeunes sont sensibles à la question de la récupération des décors, d’autres ne veulent pas en entendre parler.
« Mais les budgets de production diminuent, et l’ampleur des scénographies avec :on monte désormais des spectacles avec peu d’éléments, loin de ce qu’on voyait dans les années 70-80 », souligne le scénographe Jacques Gabel. Lui-même a utilisé les ressources de la recyclerie pour les décors du spectacle Mon ange (salué dans le Off d’Avignon en 2017), avant de les stocker chez ArtStocK le temps qu’une tournée démarre. Quant à l’architecte et scénographe Lise Mazeaud, elle crée ses décors à partir de matériaux recyclés depuis dix ans, et y puise son inspiration : « La forme du bois, la gravure qui est déjà là… l’histoire sourde des matériaux constitue une surprise et une créativité que je ne retrouverais pas dans le neuf. »

Et du côté des pouvoirs publics ? « Vous avez dix ans d’avance ! », lança un conseiller à Yann Domenge un jour qu’il tentait d’obtenir une subvention du ministère de la Culture. Au siècle dernier ? Non, en 2017. Le même ministère qui, paradoxalement,soutient la création mais entretient aussi le gaspillage plutôt que le réemploi.Heureusement, les mentalités changent ! Le Ressac, un réseau inauguré pendant le confinement, fédère aujourd’hui sept associations en France. À Pantin, La Réserve des arts s’adresse aux étudiants et professionnels de la culture. À La Rochelle, La Matière collecte le rebut du festival des Francofolies pour fabriquer bar, tables ou mange-debout qui serviront l’année suivante. Mais propose aussi des ateliers bricolage ou du conseil aux entreprises et collectivités qui veulent améliorer leurs pratiques.
À gauche, Pierre Braud de l’association La Matière à La Rochelle, et Damien Forget, fondateur de La Ressourcerie Culturelle de Montaigu (tous deux membres du réseau Le Ressac), en visite à Blajan.

Rassembler plusieurs structures permet ainsi de mieux faire circuler les matériaux sur le territoire, de multiplier les compétences et renforcer les vertus de l’économie circulaire, à commencer par la création d’emplois. Et pourquoi s’arrêter là, quand le sujet est enfin devenu une préoccupation (presque) unanime ? En dispensant des ateliers dans les écoles voisines, en se faisant connaître des théâtres et musées de la région, en fournissant de la matière première aux écoles qui forment aux métiers du bois, ArtStocK entend bien faire du recyclage la norme, et de l’enfouissement des déchets une exception.

LA RESSOURCERIE CULTURELLE DISTINGUÉE

Article Ouest-France 28/09/2019

La Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire a remis son Prix régional à l’entreprise le Moulin créatif, à Montaigu-Vendée. Sa Ressourcerie Culturelle remet dans le circuit matériel son et lumière, décors, costumes…

Les Pays de la Loire sont la deuxième région française pour l’économie sociale et solidaire, qui y représente 165 413 salariés dans les associations, coopératives et mutuelles, soit 13,1 % de l’emploi total. Pour clore le mois de l’économie sociale et solidaire (ESS), la chambre régionale a remis, jeudi 28 novembre 2019, son Prix régional à La Ressourcerie Culturelle le Moulin Créatif, implantée près de Montaigu, en Vendée.

Matériel inutilisé

Parce que le milieu du spectacle regorge de matériel inutilisé, l’entreprise s’est donné pour mission de revaloriser matériels son et lumière, décors, mobiliers, costumes et objets en tous genres, en impulsant des modes de consommation et outils plus écoresponsables auprès des structures culturelles. L’initiative est distinguée dans la catégorie « transition écologique ».

Les précédents lauréats du Prix régional de l’ESS étaient Le Goût des autres en 2017 (l’association favorise l’intégration par la cuisine) et Altersoin pour Tous 44 (les thérapies alternatives accessibles aux personnes à faibles revenus) en 2018.

L’association Permis de construire a remporté le Prix national de l’utilité sociale grâce à son travail en faveur de la réinsertion sociale de personnes ayant connu des problématiques judiciaires.

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La Revue de Presse

LA RESSOURCERIE CULTURELLE : QUAND LE SPECTACLE SE MET A L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Article Demain-Vendée
Journal papier automne 2019

Installé dans un entrepôt derrière le tri postal de Montaigu, au cœur d’une zone industrielle, le Moulin Créatif, tout jeune Tiers-Lieu culturel, héberge en son sein la Ressourcerie Culturelle.

Cette dernière, inspirée des principes des ressourceries généralistes, lieux de collecte, de valorisation et de réemploi d’objets et matériaux, s’adresse spécifiquement au monde du spectacle, de l’événementiel et de l’audiovisuel. Encore en phase de préfiguration, elle abrite déjà plusieurs tonnes de matériel et de matériaux collectés sur les Pays-de-la-Loire, auprès de structures comme Le Grand T à Nantes, Fuzz’yon à La Roche-sur-Yon ou encore au Hellfest. Enfin le projet se concrétise et les collectes s’enchaînent : décors de théâtre, rideaux noirs et moquettes, kilomètres de câbles, projecteurs et tables de mixage s’accumulent dans un joyeux Tétris géant, qui n’est pas pour déplaire au maître des lieux et fondateur du projet, Damien Forget.

La méthode Damien Forget

En plus d’être un personnage, grand bonhomme à barbe broussailleuse et voix de stentor, Damien Forget en impose aussi par sa méthode, non-brevetée mais radicalement efficace. Le principe est simple : foncer tête baissée, faire jouer son réseau tentaculaire, rentrer dans le lard quand c’est nécessaire. Toujours se nourrir du terrain et être dans l’action. Il se définit comme un « décomplexé de l’administratif » : s’il s’est volontiers prêté au jeu des pitchs, des appels à projets à rallonge et autres « paperasseries » pour la bonne cause, hors de question de faire des manières face à l’ADEME*, à la CRESS**, ou même à la Région. Le bonhomme séduit. Et sa foi inébranlable en son projet emporte tout le monde.

Il faut dire que Damien n’est pas arrivé là par hasard. Enfant du pays, il a tout fait, ou presque : animateur socio-culturel, puis tenancier de bar (Le Noctambule à Montaigu), avant de passer ouvrier agricole, et chausse avec la Ressourcerie Culturelle la casquette d’entrepreneur. Biberonné à l’éduc’ pop’ et à la culture pour tous, il est aussi musicien amateur à ses heures et a présidé pendant quelques années le Collectif Icroacoa, qui rassemble plusieurs associations de musiques actuelles locales. Il tombe dans l’Économie Sociale et Solidaire en participant à l’émergence du Moulin Créatif, Pôle Territorial de Coopération Économique (PTCE) culturel en préfiguration depuis 2016, ouvert à Montaigu depuis avril 2019. Proche de milieux culturels alternatifs, qui (sur)vivent de système D et de récup’, pour lui, l’économie circulaire n’est ni théorique, ni affaire de business, mais une réalité budgétaire et environnementale. Fils d’agriculteurs engagés pour une agriculture paysanne, qui ont œuvré pour les circuits-courts, il croit à la valeur du local. Et s’inspire de l’expérience des CUMA (Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole) pour penser la mutualisation dans le milieu culturel.

Un secteur culturel sensibilisé mais pas force de proposition

En plein développement du Moulin Créatif, Damien Forget sillonne la France avec plusieurs membres du PTCE pour rencontrer d’autres projets de Tiers-Lieux culturels. Au détour d’une virée, ils découvrent la Ressourcerie du Spectacle, née en 2014 et installée à Vitry-sur-Seine : véritable caverne d’Ali Baba qui concentre plus d’une centaine de tonnes de matériel technique d’occasion. Pour Damien, c’est le déclic.

Fin 2017, prenant appui sur l’exemple et l’expérience vitriotes, il pose les fondations du projet montacutain. Le soutien de l’ADEME et de la Région (la Ressourcerie a été lauréate de l’appel à projet sur l’économie circulaire) ouvre la voie à une étude de faisabilité conduite courant 2018 par le bureau parisien Terra, spécialiste de l’économie circulaire. Ce dernier confirme l’intuition et le pré-diagnostic de Damien : il y a du matériel qui dort dans les grandes structures et festivals culturels des Pays de la Loire ; des petites structures du milieu culturel ont besoin de matériel à bas coût ; et les acteurs sont prêts à la mutualisation. Le secteur culturel est loin d’être le plus économe et le plus responsable. Du spectacle vivant à l’événementiel, la consommation de matières premières et de ressources, aussi bien techniques qu’énergétiques est vaste et frise parfois l’aberration. Décors construits à l’occasion d’un spectacle qui tournera un an ou deux avant d’être mis au rebut ; événements qui nécessitent scénographies monumentales et gros matériel mais utilisés seulement 15 jours par an ; matériels techniques et audiovisuels en constante évolution technologique et rapidement dépassés…

Face à ces constats (et aux nécessaires économies budgétaires), le milieu culturel a depuis plusieurs années saisi la nécessité de réfléchir à son impact environnemental, mais il lui manquait un outil pour adopter de meilleures pratiques. Et la Ressourcerie Culturelle fait partie de la solution.

Réemploi et mutualisation : le duo gagnant de l’économie circulaire

La Ressourcerie permet dans un premier temps de collecter et stocker du matériel technique, sons et lumières, mais aussi multimédias et décors. Selon leur état, les objets sont triés, démantelés ou réparés. Dans l’atelier de maintenance au Moulin Créatif, Nicolas Rousseau est en charge de la revalorisation du matériel technique. Électronicien de formation et as de la bidouille, Nicolas jauge au premier coup d’œil le potentiel de chaque élément, le tournevis à la main. L’objectif : allonger la durée d’usage ou donner une seconde vie aux objets. Et quand cela n’est plus possible, en récupérer les pièces réutilisables et conduire le rebut dans une filière de traitement. Les objets réparés sont entrés dans le catalogue de la Ressourcerie et remis en circulation pour être revendus ou loués.

Parallèlement, la Ressourcerie investit le champ de l’économie de la fonctionnalité. Le principe : mutualiser un matériel qui ne sert que ponctuellement, et qui représente souvent des investissements importants. C’est notamment le cas pour le matériel qui sert aux festivals : barnums et tivolis, scènes, et même matériel de restauration collective. Le Dubcamp, déjà reconnu pour son engagement en matière d’engagement environnemental et qui fait office de modèle parmi les festivals écoresponsables, est le premier à s’engager auprès de la Ressourcerie Culturelle pour mutualiser et mettre à la location son matériel.

Si le statut juridique (probablement coopératif) et la filière sont encore à penser et construire dans leur globalité pour assurer la viabilité du projet, la Ressourcerie culturelle peut déjà se féliciter d’avoir initié une belle dynamique en Pays-de-la-Loire, qui tendra à s’étendre à l’échelle nationale avec l’ambition de créer un réseau de Ressourceries du spectacle sur l’ensemble de l’Hexagone.

*Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie

** Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire

Zoé Jarry

Lien vers le site de Demain-Vendée

ÉCONOMIE CIRCULAIRE À MONTAIGU : UNE SECONDE VIE POUR LE MATÉRIEL DE SPECTACLE

Article Ouest-France 15/04/2019

Le projet de « ressourcerie culturelle » fait parti des trois lauréats vendéens de l’appel à projet de la Région sur l’économie circulaire. Son but : collecter et revaloriser tout le matériel mis au rebut par les structures culturelles des Pays de la Loire.

Dans la continuité de sa politique de transition écologique pour une croissance verte adoptée en mars 2018, la Région a lancé un appel à projets « économie circulaire » pour soutenir des initiatives innovantes sur son territoire.

Sur les 53 dossiers de candidatures envoyés, 20 ont été retenus pour bénéficier d’une aide financière, dont trois en Vendée. Parmi eux, la création d’une « ressourcerie culturelle » à Montaigu qui a reçu une enveloppe de 27 507 €.

Derrière ce projet expérimental, deux hommes. Nicolas Rousseau, électrotechnicien et musicien, ainsi que Damien Forget, membre de l’association Le Moulin créatif. Une association qui vise à fédérer l’ensemble des acteurs des filières culturelles, artistiques et créatives du territoire Montaigu Vendée pour mener des actions de développement local.

Vers une économie « de fonctionnalité »

Mettre du lien entre les acteurs culturels, une philosophie à la base de leur projet de ressourcerie. Concrètement, cette structure est là « pour collecter, revaloriser et remettre en circulation par la vente ou la location tout le matériel mis au rebut par les structures culturelles du Pays de la Loire, indiquent-ils. Cela comprend les décors, le multimédia, le son et lumière, le mobilier… provenant des salles de spectacle, des cinémas, des stations de radios ou encore des compagnies. »

Sur les 27 507 € reçus, 5 000 € vont être investis pour équiper l’atelier de revalorisation qui se trouve aujourd’hui dans les locaux du Moulin créatif – situé dans la Zone industrielle nord de Montaigu – et financer l’achat d’une voiture de collecte.

« 5 000 € supplémentaires vont nous permettre de financer une partie de l’étude que nous avons réalisée au mois de juin 2018, avec notamment un questionnaire envoyé à plus de 300 acteurs culturels de la région » , détaillent-ils.

Ce qui ressort de cette étude ? L’idée d’une économie « de fonctionnalité ». Avec des plans de financement tous les cinq ans, le milieu culturel est devenu « gourmand » selon eux. Mais pour des raisons économiques et environnementales, surtout pour les plus petites structures, la donne est en train de changer.

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AU MOULIN CRÉATIF, LES FESTIVALS S’ENTRAIDENT

Article Ouest-France 25/10/2019

Mercredi 23 octobre, le Pôle de coopération pour les musiques actuelles a réuni les organisateurs d’une vingtaine de festivals de la région.

L’initiative

Montaigu. « Beaucoup de festivals des cinq départements des Pays de la Loire sont représentés, ici, aujourd’hui comme Hellfest, Poupet, Les Escales, Les Nuits de l’Erdre, Les Z’Eclectiques, Au Foin de la Rue, les Mouillotins, Transfert-Pick Up » a indiqué Damien Forget, responsable de La Ressourcerie Culturelle du Moulin Créatif.
« En cinq ans, nous avons réussi à réunir vingt-cinq festivals lors de plusieurs journées dans l’année » a poursuivi Yann Bieuzent du Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles. « Nous organisons des festivals de différentes ampleurs, pour des publics différents, sur des territoires différents. Mais nous sommes confrontés aux mêmes questions, aux mêmes difficultés. Il est important d’échanger sur les réponses apportées, de partager, mutualiser les moyens » a ajouté Géral Artéaga des Escales.

Une matinée d’échanges

Après la présentation du bilan de chaque festival, de son évolution, de ses objectifs, différents sujets sont abordés. Celui de la Circulaire Collomb sur les frais de sécurité apporte un flot de réactions et d’incompréhension. « C’est une instruction ministérielle, un rappel des règles. Chaque préfet possède une marge d’interprétation », a ainsi souligné Vianney Marzin, directeur du Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles.
Aux frais de la sécurité de l’événement assurée par des sociétés privées, s’ajoutent depuis cette circulaire ceux présentés par la préfecture. « Ceux-ci sont aléatoires, changeant en l’espace d’une journée. Cela parasite les bonnes relations entre organisateurs et gendarmerie », poursuit Vianney Marzin.
En Mayenne, de nombreux élus sont intervenus auprès du préfet pour annihiler ces frais supplémentaires pouvant mettre à mal les festivaliers, voire les faire disparaître.

Un après-midi placé sous le thème de la mutualisation

L’après-midi les festivaliers ont échangé leurs réflexions et pratiques autour de la communication, la mutualisation des moyens techniques ainsi que sur la transition écologique. « Chaque festival est un lieu d’innovations, à l’écoute du public, d’un territoire. Les festivals sont souvent précurseurs pour le développement durable » a déclaré Dominique Béhar de l’association Réseau éco-événements, animateur de l’atelier.

Le Moulin Créatif offrait un cadre idéal à cette rencontre. Ce Tiers-Lieu est, en effet, un espace collaboratif culturel tourné vers les acteurs économiques de la région dont les organisateurs de festivals font partie.

Lire l’article sur Ouest France -25 Octobre 2019

L’INSTANT RADIO PRÉSENTE LE PROJET DE LA RESSOURCERIE CULTURELLE À MONTAIGU

L’instant radio Demain Vendée du lundi 17 Décembre

Demain-Vendée · Instant Radio Demain Vendée du 17 Décembre 2019
 
L’instant Radio Demain-Vendée, le rendez-vous des initiatives positives, reçoit cette semaine Damien Forget, qui développe un projet de Ressourcerie culturelle à Montaigu !
Pour ce dernier Instant Radio de l’année, nous recevons Damien Forget, qui développe un projet de Ressourcerie culturelle à Montaigu. En plein boom de l’économie circulaire, cette ressourcerie spécialisée permettra de collecter, réparer et faire revivre du matériel technique (son et lumière) et audiovisuel, des décors et des costumes issus du spectacle vivant et des arts plastiques.
Après un premier diagnostic, Damien lancera une phase d’expérimentation dès janvier 2019 à Montaigu. Un projet à suivre ! L’instant radio Demain-Vendée prend sa pause hivernale du 19 Décembre au 9 Janvier 2019, Profitons-en pour revivre quelques unes de nos émissions et à très vite !
 
Zoé Jarry
 
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